Voici une histoire de la place des associations dans le dispositif de soin psychiatrique.

Elle démarre après guerre dans l'effort de la Psychothérapie Institutionnelle pour humaniser la psychiatrie et mettre en place des outils de soin permettant à la fois :

D'où cette idée des "clubs thérapeutiques" qui vont épouser la forme démocratique des associations loi 1901.

 

 

 

 


 

NOTION DE CLUB THERAPEUTIQUE

         Si l’on se reporte au dictionnaire Robert on trouve du mot « Club » la définition suivante : de l’anglais club : réunion, cercle

1 / société où l’on s’entretenait des questions politiques. Le club des Cordeliers, le club des Jacobins

2/ cercle où des gens viennent passer leurs heures de loisirs, pour bavarder, jouer, lire. ex : Inviter un ami à dîner à son club

3/ se dit de certaines sociétés constituées pour aider leurs membres à exercer certaines activités désintéressées (sport, voyages…) V. Association ex : le Club Alpin, le Touring Club, le club sportif, le Racing club

4 / large et profond fauteuil de cuir

5 / au golf crosse pour frapper la balle.

          Jean OURY dans le texte du rapport, exposé lors de l’assemblée générale de la Fédération des Sociétés de Croix Marine d’Aide à la Santé mentale d’octobre 1959 à Paris, développe l’histoire et la conceptualisation de la notion de club thérapeutique.

         Il situe l’apparition relativement récente de cette notion de Club comme la résultante de plusieurs courants, celui de l’apport de FREUD et de la psychanalyse, le travail d’HERMANN SIMON à Gütersloh après la première guerre mondiale soulignant l’intérêt de proposer aux patients hospitalisés une vie collective active, capable de lutter sans arrêt contre ce qu’il désigne comme les trois maux majeurs, qui sévissent à l’Hôpital, qui sont l’inaction, l’ambiance néfaste et le préjugé d’irresponsabilité jeté sur le malade. Autre courant : le développement des psychothérapies de groupe aux Etats Unis à partir de 1930, les activités extrahospitalières en Angleterre à la Tavistock Clinic, s’inspirant de Kurt LEVIN, l’occupationnal thérapy ou clubs sociothérapiques créés en Angleterre sous l’impulsion de BIERER, l’importance prise par les méthodes dites actives dans le champ de la pédagogie avec MAKARENKO, MONTESSORI, le mouvement FREINET et les mouvements de jeunesse comme le scoutisme et le mouvement des Auberges de jeunesse.

Cette brusque éclosion apparue dans plusieurs domaines, psychiatrie, pédagogie, encadrement de délinquants, fait suite, nous dit J. OURY, à de profonds remaniements historiques, guerres mondiales, conquêtes sociales, possibilité d’accès aux loisirs, expériences concentrationnaires, qui impulsent un éclatement des cadres culturels et un processus de remise an question des principes de la société globale, dont l’avènement des Clubs va constituer à l’intérieur des hôpitaux une étape.

En effet ils vont profondément remettre en question la vie à l’intérieur des établissement hospitaliers, en ouvrant ceux-ci à la société environnante et en y développant des foyers de culture, en y refondant une vie collective sur une tradition authentique. C’est ainsi qu’en France de nombreux clubs thérapeutiques vont être ainsi réalisés, DAUMEZON à Fleury les Aubrais, SIVADON et FOLLIN à Ville Evrard, LE GUILLANT à Villejuif, EY à Bonneval et surtout TOSQUELLES à Saint Alban et OURY à La Borde.

Un club thérapeutique est donc une structure associative rendue possible par la l’arrêté et la circulaire de février 1958.

L’arrêté du 4 février 1958 est relatif à l’organisation du travail thérapeutique dans les Hôpitaux psychiatriques.

Il précise d’une part que le Médecin chef, a seul qualité pour décider la mise au travail d’un malade hospitalisé. Il est chargé de s’assurer des conditions générales de ce travail, en détermine pour chaque malade la durée journalière.

Ce travail doit donner lieu pour chaque journée de travail à l’attribution d’un « pécule dit de base », indexé sur le prix du timbre-poste, valeur symbolique appuyée donc sur une idée d’ouverture et d’échange avec le monde extérieur. Les sommes pouvant être attribuées varient de 1 à 5 fois le prix de cet affranchissement postal, en fonction de la quantité du travail effectué.

A la différence des mesures appliquées précédemment, le travail des malades n ‘appartient plus à l’établissement.

Les excédents de recettes vont devoir alimenter un fonds de solidarité, également constitué par une dotation inscrite au budget et financer des dépenses faites dans l’intérêt collectif d’un groupe de malades.

Une attribution aux malades d’une allocation complémentaire appelée « pécule complémentaire » est possible et fixée par le Médecin chef de service.

La circulaire du 4 février 1958 .  Elle concerne principalement les travaux

effectués dans les ateliers dits médicaux (distincts des travaux effectuées dans les différents services généraux dd l’établissement)

Elle distingue deux hypothèses essentielles d’organisation de ces ateliers :

  1. « le travail en régie ». L’établissement fournit le matériel et les matières premières. Les produits fabriqués peuvent être réservés à la consommation intérieure ou être vendus soit par l’établissement lui-même, soit avec une association Loi 1901, avec laquelle il a passé convention. On considère dans ce cas de figure qu’il y a cession théorique des produits fabriqués à l’établissement.

  2. « le travail à façon ». L’établissement traite pour ces fournitures avec des tiers, entrepreneurs ou associations Loi 1901..Les objets fabriqués sont remis à l’entrepreneur ou à l’association contre versement d’une somme convenue à l’avance et destinée à couvrir le montant de prestations fournies par l’établissement.

Elle reprécise les notions de « pécule de base » et de « pécule complémentaire ». Le pécule ne peut être considéré comme un salaire du point de vue légal. C’est un élément de resocialisation dans le contexte de l’époque où les patients hospitalisés ne perçoivent aucun revenu.

         Le pécule de base sanctionne lui uniquement la durée de travail, le pécule complémentaire est une rémunération qui doit porter sur un élément objectif : la durée de travail et son rendement et un élément subjectif qui est l’effort même accompli par le malade et qui sera apprécié par le médecin. Il est dit qu’un malade dont le rendement économique est nul, peut néanmoins bénéficier d’un pécule complémentaire, s’il apparaît au médecin que cela est justifié et nécessaire sur le plan thérapeutique.

         Ces sommes seront directement perçues par les malades soit mensuellement soit dans tous les cas au moment de la sortie.

         Le pécule de base est un des éléments constitutifs du prix de journée, le pécule complémentaire est alimenté par les recettes réalisées par les ateliers, quand il s’agit d’ateliers médicaux (ergothérapie) et par le prix de journée pour les malades travaillant dans les services généraux  de l’établissement.

         Le fonds de solidarité.

         Il peut venir en complément du pécule de sortie et doit fonctionner dans le cadre de chaque service, sous forme de prêt d’honneur ou de secours non remboursable. Il est alimenté comme on l’a dit par une somme inscrite au budget et les excédents des ateliers.

         Il est prévu que la gestion de ce fonds de solidarité puisse être confiée le cas échéant à une association Loi 1901.

         La circulaire consacre enfin un long développement à l’intervention d’une association dans l’organisation du travail thérapeutique, afin de faire état du fonctionnement d’expériences de ce genre dans plusieurs établissements et de permettre que ces expériences puissent se poursuivre et s’étendre.

L’association est présentée comme un organisme plus souple auquel on peut avoir recours pour la prospection des marchés extérieurs et la recherche de débouchés aux objets fabriqués

pour tenir le rôle de l’employeur pour le travail à façon pour gérer le fonds de solidarité pour jouer « un rôle dans l’organisation de la vie sociale dans le service ou l’établissement en se chargeant de l’organisation de manifestations diverses telles que sorties collectives, kermesses, compétitions sportives, etc… »

Dans tous les cas, dit le texte, que cette association se constitue comme « Amicale des malades ou anciens malades », Société de Patronage ou association filiale des Sociétés de Croix Marine, elle doit passer une convention avec l’établissement, fixant précisément les attributions de l’association et la répartition des tâches entre celle-ci et l’établissement.

Il est aussi recommandé que ces associations se structurent selon la Loi de 1901 et qu ‘elles prévoient d’y intéresser les familles des patients et les anciens malades. Il est aussi souligné l’intérêt qu’elles se constituent en lien avec l’administration hospitalière ; la représentation de droit de l’équipe administrative au sein du CA de l’association  est souhaitée.

Enfin la circulaire commente les modalités de l’aide financière apportée par les établissements. Elle en distingue trois formes : une subvention de démarrage, une subvention annuelle de fonctionnement et une subvention exceptionnelle en vue d’une affectation déterminée.

Cette circulaire portant sur l’organisation du travail des malades mentaux en traitement dans les hôpitaux psychiatriques prévoit et souligne l’intérêt de créer une association, pour « apporter l’aide matérielle et morale » nécessaire aux patients permettant que l’argent gagné dans les ateliers d’ergothérapie puisse leur être destiné, plutôt que de revenir à l’hôpital et pour qu’ « elle joue un rôle dans l’organisation générale de la vie sociale dans le service ou l’établissement ».

Cette association est au départ composée de soignants et autant que possible de personnes extérieures au monde des soins. Elle constitue un Comité Hospitalier qui passe une convention avec l’établissement où il est implanté. Cette convention prévoit la mise à disposition du personnel pour le fonctionnement de l’association, des locaux attribués et les charges qui éventuellement incomberont à l’association. Le Comité crée en son sein un club thérapeutique, dont l’un des objectifs essentiels est de responsabiliser les malades dans l’organisation de la vie quotidienne du service, des loisirs, des ateliers  etc.. 

La portée de ces dispositions sera considérable, là où pourront se constituer des Comités Hospitaliers type Croix Marine, organisant avec l’aide d’un club de malades, la vie sociale et apportant en cela des possibilités non prévues par l’établissement, avec comme évolution une véritable humanisation de celui-ci.

Ailleurs et dans la majorité des établissements, la portée révolutionnaire de ces dispositions sera neutralisée par la création de simples sociétés de patronage, émanation de la Direction des établissements, fausses associations, excluant toute participation des patients et des soignants à leur fonctionnement.

 

Remise en cause de ces dispositions

Au fil du temps cependant et malgré cette assise conventionnelle, un certain nombre de directions de CHS vont remettre en question les dispositions de la circulaire de 1958, du fait de diverses transformations.

Les textes qui régissent la psychiatrie publique vont se modifier avec la globalisation des dépenses hospitalières puis la loi du 30 décembre 1985 fait de l’Administration de l’Hôpital le maître d’œuvre de toutes les activités de service public de psychiatrie, l’aggravation des pressions économiques, soulignées par la Sécurité Sociale aboutissent à ce que les DRASS puis les ARH orientent leurs actions vers un redéploiement des moyens et la recherche d’alternatives.

L’hôpital décide donc de diversifier ses fonctions et il peut légitimement se présenter comme agent de l’innovation, là même où jusqu’à présent il ne pouvait que subir des contraintes. C’est dire que l’un des arguments le plus souvent invoqué en faveur du système associatif, sa souplesse et sa plasticité, son adaptabilité, apparaît pour certains Directeurs, en ces temps de re-création du dispositif de soins, de moins en moins  pertinent.

Ainsi au travers du désengagement des CHS et de leurs directions, de nombreuses associations se voient annulées, dans ce qu’elles apportent de différent dans les procédures qui ont cours à l’hôpital. En effet pour que les soignants fondent un nouveau réseau d’échanges dans la vie hospitalière et une autre qualité relationnelle, il faut que symboliquement quelque chose en ouvre le champ et que soit acceptée et assumée volontairement par la Direction, une perte de souveraineté.

Une autre voie de contestation des avancées permises par cette circulaire de 1958 se fera, par l’intermédiaire des Chambres Régionales des Comptes, dénonçant les gestions des associations proches de l’hôpital, comme « des gestions de fait » et accusant les associations d’être des associations « transparentes »  en vertu de la loi.

- Une association « transparente » est une association qui contourne les règlements de la comptabilité publique. Il en serait ainsi d’une association qui serait créée avec l’objectif de gérer une activité dévolue à l’établissement, en court-circuitant les instances de décision de l’établissement hospitalier et en cumulant les fonctions d’ordonnateur des dépenses et de comptable, bien séparées dans la gestion publique.

- La « gestion de fait » est le maniement irrégulier d’argent public par des personnes non autorisées.

Certaines malversations financières ou indélicatesses de gestion, dont se sont montrées coupables certaines associations ont attiré la suspicion sur le système associatif, accusé abusivement d’échapper à tout contrôle et de démembrer le service public.

Vis à vis des juridictions administratives et financières l’argument de la souplesse de gestion était donc de moins en moins recevable, en face du discours anticorruption.

C’est donc essentiellement sur l’argument de l’intérêt thérapeutique que s’est constituée la défense de ces petites associations, fonctionnant dans le champ de la psychiatrie et que la fragile circulaire de 58, ne parvenait plus à protéger.

La nécessité que les membres de l’association ne soient pas exclusivement des agents de l’Hôpital mais aussi des patients, des représentants des familles et des personnes de la société civile, étrangères au système hospitalier, s’imposait comme garantie d’un fonctionnement plus démocratique et pour échapper à l’accusation de « transparence ».

Enfin l’association se devait d’être irréprochable sur le plan de la comptabilité et d’être en capacité de rendre des comptes aux bailleurs de subventions.

Les Journées Régionales Croix Marine de Nantes en septembre 2001 permirent de réaliser un travail approfondi et de présenter un texte d’amendement auprès du Sénat, au moment de l’examen du projet de loi, relatif aux droits des malades et à la qualité du système da santé, qui allait être adopté à l’Assemblée Nationale.

Après information de quelques députés, le texte était adressé à tous les Sénateurs, pour leur soumettre cette proposition d’amendement.

La mobilisation du réseau Croix Marine permettait de s’assurer du soutien des partenaires et de leur intervention en faveur de cet amendement.

En janvier 2002 ce projet était présenté au Sénat puis adopté en février à l’Assemblée Nationale.

 

La Loi du 4 mars 2002

L’article 93, de la Loi du 4 mars 2002, relatif aux droits des malades et à la qualité du système da santé, incorporé dans l’article 3221-1 du Code de la Santé Publique énonce que « Afin de mettre en œuvre une démarche thérapeutique préalablement définie dans le cadre du secteur ou d’un établissement, une association, à visée de soin, de prévention, de réadaptation et de réhabilitation des patients, régie par les dispositions de la Loi du 1er juillet 1901, relative au contrat d’association, peut être constituée regroupant notamment des patients, des personnels hospitaliers et des tiers, personnes physiques ou morales ».

Le médecin responsable de la démarche de soins doit rester le garant de la bonne exécution de celle-ci au sein de l’association.

Une convention est signée entre l’établissement et l’association. Elle précise les modalités de mise à disposition par l’établissement d’équipements, de moyens matériels et financiers et les conditions de leur utilisation par l’association. Elle indique les conditions dans lesquelles le personnel hospitalier peut contribuer au fonctionnement et aux activités de l’association.

L’association rend annuellement compte par écrit à l’établissement de sa gestion et de l’utilisation des moyens mis à sa disposition. 

Un modèle de statuts a été proposé par les associations Croix Marine.

 

Ce texte est du dr. Daniel Denis, de Catherine Portet, et d’Anne Noëlle Rousselot, secteur 2, Cesame, Sainte Gemmes sur Loire.

Il a été trouvé sur le site http://www.balat.fr/ qui publie, entre autres textes passionnants, des cours du Diplôme universitaire de psychothérapie institutionnelle de Lille

Merci à eux.

--------------------

Retour haut de Page

Retour historique

Retour accueil du site